Je crois que les bretons ont très fortement ressenti le récit de la Passion, on était en accord avec ce récit, parce que leur vie était une vie rude, une vie marquée par une dureté du travail, une dureté de la météo parfois, les enfants qui mouraient en bas âges, les maladies, la vie était très dure dans les campagnes…
Et donc de voir un Dieu qui venait partager leur souffrance, ça ne les culpabilisait pas, d’abord, ils percevaient ça comme l’image d’un Dieu compatissant
plutôt, et c’est ce qui est traduit par toute l’imagerie des calvaires, des vitraux en Bretagne. Il y a beaucoup de douleur et infiniment de tendresse. Et c’est dans cette tendresse que
naît une espérance chez ceux qui célèbrent la Passion en Bretagne.
Vu de l’extérieur, on pourra dire « leur musique est triste, c’est des complaintes », mais nous ne le vivons pas comme ça. En Bretagne, quand on
chante une chanson triste, il faut dire d’abord que l’on chante, c’est un peu comme le blues, le blues n’est pas triste, c’est déjà un cri, et le cri c’est le commencement du salut, comme
le dit Saint Augustin… »
Ces propos, de Michel Scouarnec, nous introduisent à l’écoute de la Passion, et aussi à toute la liturgie de la Semaine Sainte. Ce n’est pas triste, c’est grave, sérieux, et cependant empli de
sérénité. Car cette liturgie, cette proclamation de la Passion, nous enracine et nous porte dans la foi.
Dans une situation sanitaire préoccupante, la fatigue et les inquiétudes qui nous minent, nous entendons dans le cri du Christ « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Non un cri de révolte, mais un cri d’abandon, reprenant le psaume 21. Le Christ a véritablement connu la mort, dans la détresse. Mais la passion du Fils nous révèle aussi l’amour passionné du
Père. « Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique. »
Nous sommes convoqués à exprimé notre foi et notre reconnaissance, tel le centurion romain au pied de la croix « vraiment cet homme est le Fils de Dieu ».
Christian Le Borgne, curé