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Vous avez dit "Mystère" ?

Sainte Trinité Loqueffret ; cliquer ici 

 

« Vous dites que vous croyez en la Trinité ; mais où est-il question de trinité dans l’Ecriture ? Où trouvez-vous ce nom ? ». Voilà ce que me demandait un témoin de Jéhovah, cherchant à me convertir… Hélas pour lui, si je n’étais pas encore prêtre, j’avais déjà quelques éléments de connaissance et de réflexion chrétienne !
Non, le Nom de la Trinité ne se trouve pas dans l’Ecriture, mais en revanche, la mention de Dieu comme Père, Fils et Esprit s’y retrouve tout au long du Nouveau Testament. Dans la finale de l’évangile selon Saint Matthieu, le Christ donne mission à ses disciples de baptiser « Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit », signe d’une pratique déjà en œuvre dans les communautés à qui s’adresse son Evangile. Avant lui, les lettres de Paul mentionnent cette réalité trinitaire, élaboration progressive d’une formulation de la foi manifestant que non seulement Dieu le Père est Dieu, mais aussi Jésus le Fils, Seigneur, qui nous donne part à l’Esprit Saint, réalité divine elle aussi.

Pour exprimer en langage intelligent et construit cette foi chrétienne, selon laquelle nous croyons bien sûr en Dieu créateur, que Jésus nomme « le Père », mais aussi en Jésus le Fils, Dieu lui aussi, et en l’Esprit Saint, non seulement une force, une « énergie » émanant de Dieu, mais « quelqu’un », « le Paraclet/défenseur » selon l’évangile de Jean. Et d’affirmer Dieu comme Père et Fils et Saint Esprit, nous croyons non pas en trois mais en un seul Dieu, communion d’amour. Les évêques des premiers siècles de l’Eglise auront pour tâche, dans un langage qui nous ramène aux philosophes grecs, de formuler cette foi des chrétiens, en s’appuyant sur les textes bibliques.

Il nous est difficile dans un langage rationnel contemporain de rendre compte de cette foi et de l’intelligence de notre foi. Comment dire l’unité de trois personnes ? Et cependant, il est bon de souligner qu’un philosophe contemporain, Emmanuel Mounier, s’appuiera sur cette notion de « personne », pour rendre compte de l’homme, ne pouvant exister qu’en relation avec les autres. Ainsi nous approchons une reconnaissance de la Trinité, non comme un concept clos sur lui-même, hermétique, mais davantage comme une réalité d’amour dans laquelle nous sommes saisis dans un élan d’abandon. Comparaison n’est pas raison, mais Dieu est unique, le Père, le Fils et le Saint Esprit, comme il est dit des époux, homme et femme, « ils ne sont plus deux, ils ne font qu’un » ! Un théologien français, Xavier Lacroix, développe cette vison trinitaire du couple : Dans l’amour on est un, puisque l’amour unit, on est deux, puisque l’amour est dialogue, on est trois, puisque l’amour ouvre aux autres, et en premier lieu, à la fécondité… »

 

 

J’aime à reprendre cette expression : dans le mystère chrétien, l’enjeu est moins de comprendre que de se laisser prendre ! Non pas que le travail de raison soit impossible, puisque Dieu nous a doté d’intelligence, à son image… Ce qu’il nous demande, c’est d’avoir la sagesse de l’enfant qui découvre d’abord par l’expérience de la rencontre, de la relation, et qui par la suite cherche à comprendre : « dis, pourquoi... ? ».
C’est ainsi que je comprends mieux l’histoire de Saint Augustin, le grand théologien de la Trinité, évêque d’Hippone, fin quatrième et début cinquième siècle, se promenant sur une plage en réfléchissant au mystère de la Sainte Trinité. Il aperçoit un enfant jouant sur le sable, faisant le va et vient entre la mer et un trou dans le sable qu’il avait creusé avec un coquillage, et cherchant à remplir ce trou d’eau de mer à l’aide de son coquillage. Augustin l’interpelle, lui faisant comprendre qu’il n’arriverait jamais à vider la mer de son eau dans le trou creusé sur la plage. Et l’enfant de lui répondre qu’il réussirait plus vite son oeuvre que lui Augustin, n’aurait résolu sa compréhension de la Trinité. Est-ce à dire, puique c’est un mystère, qu'il n’y ait rien à comprendre, ou bien, puisque l’eau vient de l’océan et y retourne, tout vient de Dieu et tout y retourne, et que nous n’en finirons jamais de le découvrir… 
Ainsi le mystère de la Trinité ne nous situe pas en contemplateur extérieur d’un Dieu Solitaire, inaccessible, mais mystère, révélation patiente de Dieu qui vient nous rejoindre dans notre humanité en son Fils. L’Esprit Saint, communion d’amour du Père et du Fils nous saisit dans cette relation, nous sommes pris dans ce mouvement de don et de communion qui nous ouvre au partage avec tout homme. La Trinité n’est plus extérieure à nous même, mais  ce Dieu qui nous entraîne dans une chorégraphie de vie et de joie. 

 

                                                                                               Christian Le Borgne, curé