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Blasphème ou sainteté

Je ne suis ni abonné ni lecteur de Charlie Hebdo. Je trouve ses couvertures trop provocatrices, et à la différence des caricatures de Plantu dans Le Monde ou de Nono dans notre Télégramme local, les caricatures qui y sont publiées sont trop outrancières pour permettre la moindre réflexion critique. Ceci dit, leurs publications ne méritent en rien le qualificatif de « blasphème » ! 

Le blasphème, selon les dictionnaires, est une atteinte portée à l’image de Dieu. Les caricatures auxquelles je fais allusion ne portent pas atteinte à Dieu, qu’il soit confessé par les juifs, les musulmans ou les chrétiens. La caricature cible les travers de ceux qui ont reçu mission de le révéler, et qui, dans leur comportement, en voilent le visage.

En soit, la bonne caricature est libératrice, qu’il s’agisse du dessin ou du texte prophétique. Ainsi la scène terrible du concours, entre le prophète Elie et les prêtres de Baal  : « C’est un dieu, il a des préoccupations, il a dû s’absenter, il a du chemin à faire ; peut-être qu’il dort et il faut qu’il se réveille » (1 Roi 18,27). Elie ne blasphème pas, il dénonce une idole, une illusion de dieu, à la manière des psaumes « Elles ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas… » (Psaume 115,5). Est-ce un mal que de dénoncer le mensonge et l’illusion ?

 

La caricature est salutaire quand elle fait œuvre de salubrité, pour dénoncer les travers et les mensonges hypocrites de ceux qui prétendent parler au nom de Dieu, qui se donnent en exemple, mais qui par leur attitude, provoquent l’agacement ou l’indignation. Les magazines catholiques eux même font appel à des dessinateurs de talent qui savent, d’un coup de crayon, accentuer un travers ou un défaut. Ainsi Jean François Kieffer, diacre de Stasbourg, connu sous la signature JFK. Qu’il s’agisse de son curé, du lecteur ou animateur du dimanche ou encore de la chorale bavarde durant l’homélie, il a ce trait d’humour pour dire : attention, rectifiez le tir !

 

J’aime particulièrement la petite bande dessinée, en trois images, relatives au pape François d’un dénommé Pat Marrin, croquant allègrement mondanité et cléricalisme, et toutes les résistances au travail de réforme entrepris par le pape..

Porter atteinte à l’image de Dieu, est-ce le fait du caricaturiste, ou le fait de celui qui est dénoncé comme un dévot hypocrite, mensonger, assassin ? Quelle image de Dieu nous est donnée par des porte-paroles qui en dénaturent la bonté, la patience, la miséricorde ? Dieu a créé l’homme à son image nous dit la Bible. N’est ce pas défigurer l’image de Dieu que de blesser, pire encore, de détruire cette image ?

 

En ce jour de la Toussaint, nous entendons proclamer le message des Béatitudes. Heureux celui qui vit à la manière du Christ, parfaite image du Père. Jusque dans la passion, ou le Christ est identifié au serviteur souffrant « Humilié, il n’avait plus visage d’homme » (Is 53,3). Celui qui est persécuté en son nom, assume le blasphème qui est porté contre Dieu… Bienheureux est-il !

 

Quel est le vrai visage de Dieu ?  Ce que nous savons, nous dit Saint Jean, en ce jour de la Toussaint c’est la promesse, « nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est. Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur ». Se laisser façonner à son image, convertir en nous tout ce qui défigure son image, notamment dans la tentation de peur, de haine ou de vengeance, face à la violence dont nous sommes victimes. Tel est le chemin de sainteté qui nous est proposé.

 

Christian Le Borgne, curé