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Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire

Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui,

alors il siégera sur son trône de gloire...

Alors le roi dira...Venez à moi, vous les béni de mon Père : J'ai eu faim, j'étais nu, étranger...

En ce dimanche, nous célébrons le Christ Roi de l'univers. Ce titre n'est pas sans équivoque. Il a été attribué au Christ, au moment ou, dans l'entre deux guerres, la primauté de la papauté était contestée et les fascismes naissants montaient en puissance. Le Concile Vatican II va rééquilibrer cette compréhension de la Royauté du Christ, dans la perspective d'une Eglise sacrement du Royaume parce qu'elle manifeste et réalise l'oeuvre du Père en Jésus le Christ, son Pasteur et souverain prêtre.

 

Les textes de ce dimanche nous éclairent dans cette compréhension du Royaume. L'image d'Ezekiel n'est pas celle d'un souverain, à la manière des tyrans de Babylone, ou des rois déchus d'Israël, mais à la manière d'un pasteur qui prend soin de ses brebis.

 

La traduction que nous donne le lectionnaire édulcore les traductions et notes de nos "Bible de Jérusalem", TOB, ou autres traductions de travail.

"La brebis perdue, je la chercherai ;

l’égarée, je la ramènerai.

Celle qui est blessée, je la panserai.

Celle qui est malade, je lui rendrai des forces.

 

Jusque là, pas de problème dans la traduction...
mais :

Celle qui est grasse et vigoureuse,

je la garderai, je la ferai paître selon le droit"...

est traduit dans la TOB :

"Mais la bête grasse, la bête forte, je la supprimerai ; je ferai paître mon troupeau selon le droit."

La note de Jérusalem mentionne que la version grecque "Je veillerai " est mentionnée comme "je ferai périr" dans les documents en hébreux
"Je veillerai", ou "je la garderai" est à entendre comme "je l'ai à l’œil, je me la réserve"... En clair, le méchoui n'est pas loin !

La suite du récit d'Ezekiel explicite ce sort réservé aux brebis grasses : 
"je viens juger moi-même entre la brebis grasse et la brebis maigre. Parce que vous avez bousculé du flanc et de l'épaule, et parce que vous avez donné des coups de cornes à toutes celles qui étaient malades jusqu'à ce que vous les ayez dispersées hors du pâturage..."


Il se trouve que ce chapitre 34 d'Ezekiel commence par l'invitation "Fils d'homme, prononce un oracle", et qu'au verset 17 nous trouvons ces mots "Je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs..."

 Le Christ Roi, le Fils de l'homme, ou encore "mon serviteur David sera prince au milieu d'eux" manifeste quel est le Royaume qui nous est révélé, comment Jésus le Christ vient accomplir cet oracle du prophète Ezekiel :


« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire,
et tous les anges avec lui,
alors il siégera sur son trône de gloire.
    Toutes les nations seront rassemblées devant lui ;
il séparera les hommes les uns des autres,
comme le berger sépare les brebis des boucs.."

 

 La suite nous précise sur quel critère se fait le tri entre boucs et brebis : J'ai eu faim, j'avis soif, j'étais un étranger, j'étais malade ou en prison... et tel un bon pasteur, tu as pris soin de moi... ou pas !
Double inversion opérée dans ce discours du Christ : non seulement, d'une part, les petits, les pauvres, les exclus sont les héritiers du Royaume ; mais également, d'autre part, celui qui est le vrai Pasteur s'identifie à la brebis chétive, malade, malmenée. Tel est le critère ultime de notre appartenance au Christ, de notre manière de coopérer avec lui à l'avènement du Royaume, à lui rendre un culte en vérité quand nous disons "que ton règne vienne, que ta volonté soit faîte..." . 

 

Je trouve en ce passage de Matthieu une singulière actualité : Dimanche dernier était célébrée la Journée Mondiale des pauvres, et de concert, la Journée Nationale du Secours Catholique. Dans la situation de confinement que nous subissons, ces journées n'ont pu être mises en valeur comme nous aurions pu le souhaiter. De plus, cette situation de pandémie nous laisse présager des situations de détresses encore plus grandes, du fait d'une activité économique réduite, de solitude plus grande encore pour les personnes seules, de maladie et de mortalité du fait du Covid et de ses effets collatéraux. Ceci devrait mobiliser toute notre attention.

Malgré cela, les actualités auront retenu de la vie de l'Eglise ce dimanche, les manifestations sur les parvis de cathédrales ou d'église pour réclamer "la liberté de culte" supposée entravée !

 

Bien sur, le discours de nos évêques, ou plutôt les discours des uns et le silence des autres sont divergents. Aussi, pour éclairer nos avis, sans doute également divergents, je vous propose l'interview du cardinal Mario Grech, nouveau secrétaire du synode des évêques (c'est à dire l'instance que le pape veut promouvoir dans la conduite de l'Eglise)

"Je trouve curieux que beaucoup de gens se soient plaints de ne pas pouvoir recevoir la communion, mais bien moins se sont inquiétés de savoir comment se réconcilier avec Dieu et son prochain, comment écouter et célébrer la Parole de Dieu et comment vivre une vie de service."[...]
"Et on ne peut pas vraiment rencontrer Jésus sans s’engager à l’égard de sa Parole. Concernant le service, voici une réflexion : ces médecins et infirmières qui ont risqué leur vie pour rester proches des malades n’ont-ils pas transformé les salles d’hôpital en « cathédrales » ? Le service aux autres dans leur travail quotidien, en proie aux exigences de l’urgence sanitaire, était pour les chrétiens un moyen efficace d’exprimer leur foi, de refléter une Église présente dans le monde d’aujourd’hui, et non plus une « Église de sacristie », absente des rues, ou se satisfaisant de projeter la sacristie dans la rue."

 Dimanche prochain nous entrons dans le temps de l'Avent... Ce temps nous sera proposé pour nous disposer à accueillir celui qui vient accomplir toute chose nouvelle dans un monde qui meurt. Ne le vivons pas dans le regret de ce qu'il n'est plus possible de vivre,pour un temps indéterminé, en raison des précautions légitimes à respecter, mais dans l'attente active d'un monde plus fraternel en train de naître.

 

Christian Le Borgne, curé