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Si tu le veux, tu peux me purifier

« Si tu le veux, tu peux me purifier. » Une prière, une supplication, un cri de souffrance et d’espérance. Le lépreux qui vient à la rencontre de Jésus laisse jaillir un cri de foi et de confiance « Si tu le veux, tu peux ! ». Ce qu’il pressent, il l’affirme, Jésus peut, il a le pouvoir de le purifier, de le guérir, de le rétablir dans sa santé, dans sa dignité d’homme. Il le peut, et le lépreux quémande sa volonté « Si tu le veux »…

N’est-ce pas ce que nous disons nous-même dans la prière du « Notre Père », la prière de Jésus à son Père : « Que ta volonté soit faite », ou encore la prière pressante de Jésus à l’heure de la Passion : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux… ». Il est en toute chose celui qui vient accomplir la volonté du Père ; comme le rapporte St Jean, la volonté du Père est « que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie, et la vie éternelle » (Jn 6,40).

Parfois la douleur, la souffrance sont trop grandes pour que notre seule bonne volonté permette cette prière « Que ta volonté soit faite… » ; rappelons-nous alors que la prière n’est pas résignation face au mal, mais appel à l’aide afin que s’accomplisse cette volonté de Dieu, la vie éternelle. Le Christ manifeste cette volonté du Père, au risque de bousculer les interdits, et d’avoir à supporter la mauvaise volonté des hommes.

 

Devant la demande de l'homme, le Christ est saisi de compassion. Il pose un geste interdit par la loi, il touche le lépreux, devenant par là même « impur », « paria », « intouchable ». Mais n’est-ce pas dans cette réponse qu’il vient accomplir la volonté du Père ?

Lui qui était de condition divine, dira st Paul, ne retint pas le rang qui l’égalait à Dieu. Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort… C’est pourquoi Dieu l’a élevé au dessus de tout (Ph 2, 6-11)… La loi du pur et de l’impur est abolie. Il n’y a plus, d’une part, l’espace sacré, l’espace du divin, l’espace réservé aux « purs » et « ayant droit », et d'autre part, l’espace du profane, de l’humanité déchue, de l’exclusion. Par le Christ, notre humanité est sanctifiée, demeure de la présence divine par le Christ, avec lui et en lui.

Le Christ impose, en vain, la loi du silence à l'homme rétabli dans sa santé : "Attention, ne dis rien à personne". Il réclame ce silence parce qu'il sait bien que la foule n'est pas encore disposée à ce changement dans les relation à Dieu, ni aux relations nouvelles entre les hommes établies par ce changement. Ils attendent du Christ des miracles, pas qu'il transfigure la création ou qu'il génère une humanité nouvelle. Seule l'adhésion à un Messie crucifié peut permettre cette conversion.

 

Cette sanctification par le Christ, qui vient nous guérir et nous rétablir dans notre humanité, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, ne peut se faire sans notre bon vouloir. Dans ce récit de guérison, la demande exprimée par l’homme malade est explicite. Dans d’autres récits, les évangélistes mentionnent la question de Jésus : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? », dans la guérison de l’aveugle Bartimée par exemple. La volonté du Christ ne peut être accomplie à l’encontre ou à l’insu de notre plein gré. La foi n’a rien à voir avec le dopage !

Lorsque le Christ pose un geste de guérison, ce n’est pas seulement en délivrant la personne d’un mal physique, il la rétablit dans une relation humaine, sociale, religieuse : « Va te montrer aux prêtres ». En raison de sa maladie, le lépreux est exclu de ce champ de relation. Guéri, il retrouve son identité de citoyen et de fidèle.

Cette démarche suppose de sa part tout un travail de « résilience », de réintroduction dans la vie normale, ouverte à l'avenir. Un petit récit spirituel m’avait frappé, il y a de cela quelques années, « Messe de granit » de Christian Estèbe. Un homme guéri contre toute espérance, après un long traitement contre le cancer, doit réécrire son existence, réapprendre à vivre alors qu’il s’était disposé à mourir. Et bien sûr, sa nouvelle existence est chargée d’un sens nouveau, d’une quête spirituelle nouvelle. Les récits des personnes « miraculées » de Lourdes disent à leurs manières la même expérience.

 

le Christ s’adresse à chacun de nous : « Si tu le veux, tu peux » ! Loin de moi l’idée d’invoquer des guérisons miraculeuses, la force de la foi contre le Covid, de risquer toute dérive de marchandage ou de charlatanisme. Dimanche dernier, nous avons célébré le dimanche de la santé, et nous avons rappelé à ce sujet que la Pastorale de la Santé ne se réduit pas à la prière pour les personnes malades. Il s’agit d’une démarche de compassion, d’écoute, de soutien, de réconfort, et bien sur, de prière. Dieu stimule notre volonté à lutter contre toute forme de mal, il stimule en nous le pouvoir de résister au mal qui ronge au cœur de la maladie, à savoir la peur, la méfiance, le rejet. Si tu le veux, tu peux lutter contre ce mal et le vaincre. Avec le Christ, car lui le peut et il le veut, mais il ne le fera pas sans toi.

 

 

Christian Le Borgne, curé