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"La paix soit avec vous !"

BRATISLAVA, Slovaquie - 1 octobre, 2014_ La mosaïque (150 m2) avec le Christ ressuscité parmi les apôtres dans le centre de Saint-Sébastien cathédrale conçus par jésuite Marko Ivan Rupnik (2011)

"La paix soit avec vous !" Cette parole du Ressuscité nous est si familière, que, régulièrement, tandis que ce passage de l'Evangile est proclamé dans une assemblée, il y a un quelqu'un pour répondre "et avec votre esprit"... 
Cette salutation, la seule qu'utilise l'évêque, ainsi que "Le Seigneur soit avec vous", salutation similaire, exprime bien cette reconnaissance de la présence du Christ ressuscité dans l'assemblée réunie, dans la proclamation de l'Evangile, dans le sacrifice de louange eucharistique, dans l'invitation à s'en aller vivre cet Evangile au cœur du quotidien. La réponse de l'assemblée, "et avec votre esprit", est la reconnaissance que cette mission conférée à l'assemblée s'inscrit dans la continuité sacramentelle de la mission confiée aux disciples par l'ordination du ministre qui rassemble, qui proclame, qui préside à la louange, qui envoie.

 

En ce premier jour de la semaine,
alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs,
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »...

 

La semaine dernière, j'insistais sur la mention par Saint Luc du "troisième jour". Pour l'évangéliste Jean, nous sommes le "premier jour", il s'agit d'une création nouvelle, et aussi d'une création pas encore achevée mais en promesse de réalisation.  Comme un poussin doit sortir de sa coquille, les disciples doivent sortir du Cénacle...
Les disciples sont rassemblés. Tous ? non, Il manque Judas, bien sur, et aussi Thomas... Où était-il ce jour là, on n'en sait rien ; mais le fait qu'il soit absent est la raison majeure pour laquelle il ne peut ni voir ni croire en la présence du Ressuscité.
Dans ce cercle fermé, clos de toute part, "verrouillé" dit la traduction, le Christ s'invite et invite à la paix. Lui le crucifié, manifestant par ses plaies que la résurrection ne fait pas l'impasse sur la réalité douloureuse de la croix, il invite les disciples à sortir de leur peur, il leur confie mission d'être témoin de sa paix, de son pardon, de sa miséricorde. "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie".

"Huit jours plus tard..."
nous retrouvons le même scénario, comme il se reproduit depuis chaque dimanche ! Les disciples sont réunis, et cette fois, Thomas est présent.
Mais une fois encore, toutes portes closes. Il n'est pas étonnant d'entendre à la suite du Christ, les papes nous rappeler cette parole "N'ayez pas peur !", ou encore le cardinal Bergoglio, quelques jours avant d'être élu pape, il y a huit ans : "
Pour faire simple, il y a deux images de l’Église : l’Église évangélisatrice qui sort d’elle-même, , ou l’Église mondaine qui se replie sur elle-même, d’elle-même, et pour elle-même.

 

C'est à tort, sans doute, que nous faisons de Thomas le modèle des incrédules. Thomas est celui qui a fait confiance au Christ, conscient du risque de mort certaine que de monter à sa suite à Jérusalem. Il demande à voir un crucifié, sinon le récit des autres apôtres n'est que fadaise !

C'est le défi qui nous est donné en Eglise ; nous ne pouvons témoigner de notre foi si nous faisons l'impasse sur ce qui nous blesse, ce qui scandalise notre humanité, le poids du mal, de la souffrance, de l'injustice et surtout, celui de la mort. Celui qui est aveugle ou qui veut cacher d'un voile pudique tout cela n'est qu'un charlatan ou un naïf ! Le Christ ne fait pas de nous des naïfs. Les plaies de sa passion sont au cœur de la rencontre dans la foi. 

Heureux ceux qui croient sans avoir vu... La foi suppose la confiance. Lorsque l'évidence ne laisse apparaître que le néant, la foi est ce pari fou en l'amour de Dieu créateur, capable de susciter la vie. Que peut t'on encore espérer d'un corps crucifié transpercé d'une lance, d'un tombeau vide ? Or nous dit l'évangéliste, c'est dans ces situations qu'il nous est dit du disciple "il vit et il crut". C'est à cette vision croyante que Thomas est invité, et nous avec lui. N'est-il pas notre "didyme", notre jumeau ?".

 

Christian Le Borgne, curé