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Vocations

Lorsque nous allons à la rencontre d’enfants ou de jeunes, comme avec notre évêque  lors de la visite du Nivot, vient régulièrement la question : « D’où vous vient votre vocation ? ».

 

Ce n’est pas une, mais de multiples raisons qui me viennent en tête. Ce dimanche, à l’écoute des récits bibliques, un souvenir marquant me revient parmi d’autres. Au cours d’un camp d’été à Postolonec, (Crozon), je me rappelle ce temps de prière, sur le promontoire de « Posto-fort », alors que le soleil de fin d’après midi d’été dorait la Baie de Douarnenez. Les paroles de l’Evangile venaient conforter un appel déjà bien ancré « Avance au large, jetez les filets… laissant tout, ils le suivirent ». 

Aujourd’hui, quand je contemple cette Baie de Douarnenez depuis le Porzay, ou, chauvinisme oblige, la Baie d’Audierne, quand je retourne en famille, je médite d’avantage l'épisode des disciples dans la tempête. Comme il nous était dit samedi, lors de la rencontre de toutes les équipes pastorales, « Si l’on cherche à boucher les trous avec ses dix doigts, on n’avance plus ! Il faut écoper et avancer vers l’autre rive… ». Ce ne sont plus les filets débordants de poissons qui font aujourd’hui que la barque prend eau...

La situation est différente, mais quelque soit cette situation, heureuse ou difficile, le Christ nous adresse toujours le même appel à la confiance. « Sois sans crainte »

 

L'univers maritime est ce lieu naturel de ma contemplation. D’autres seront plus sensibles à un cadre plus liturgique, plus "sacré", comme nous le décrit la vision d’Isaïe, proclamée ce dimanche. Les volutes d’encens, la splendeur du temple, ses portes impressionnantes et ses acclamations solennelles « Saint, Saint, Saint le Seigneur de l’univers… » (Kadosh, Kadosh, Kadosh Adonaï Elohim). Je me rappellerai toujours l’émotion éprouvée, célébrant la messe à Quimper, avec les jeunes de la délégation libanaise, lors des JMJ de 1997. Dans leur langue liturgique, le syriaque, d'entendre ces mots chantés dans notre cathédrale, nous ramenait à l’origine de notre évangélisation, la révélation du Dieu unique, le Dieu d'Abraham, de Moïse, le Père révélé en son Fils, Jésus de Nazareth, au-delà et au cœur de toutes les cultures.

 

La vocation, c’est à dire la reconnaissance d’un appel, passe nécessairement par une émotion ; les érudits parleront d’un « tremendum », c'est-à-dire, quelque chose de similaire au trac qu’éprouve l’artiste avant d’entrer en scène, mais dans une dimension autrement religieuse, spirituelle. « Malheur à moi ! je suis perdu, » s’écrie Isaïe, « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » dit Simon Pierre ; « en effet, un grand effroi l’avait saisi… »

Si l’on n’éprouve pas cela, il y a fort à craindre que le désir d’assurer une responsabilité relève davantage de l’ambition que de la réelle vocation. Ce n’est pas de la fausse modestie que de reconnaître avec  Paul  « ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, »

 

La vocation suppose un engagement de toute la personne. Cet appel marque l'existence toute entière du disciple, de l'envoyé. Pour chacune et chacun de nous, dans notre vocation commune de baptisés, puis, selon les ministères particuliers, au service de cette vocation commune. "Si le Père vous appelle, à aimer comme il vous aime" implique des conversions permanentes, des ajustements à sa volonté.

Cependant, la vocation, quel que soit le service ou l’état de vie, n’est ni d’abord, ni seulement au profit de la sanctification personnelle ou de l’accomplissement de soi. Elle est également, et d’abord, au service d’une mission confiée. « Afin que ma joie soit en vous », certes, mais aussi, « afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure. (Jn 15) »

 Isaïe est envoyé comme messager de la sainteté de Dieu. Le Christ appelle les disciples à sa suite, en vue de l’annonce de la Parole, du salut des hommes. C’est dans l’accomplissement du service, selon la grâce de Dieu, que s’opère la sanctification, selon l'oeuvre de l'Esprit.

J’entends parfois cette invocation pieuse : « Seigneur, accorde-nous de saints prêtres ! ». Il conviendrait plutôt de prier ainsi « Seigneur, donne-nous de sanctifier nos prêtres ! » Comment ?En les sollicitant dans ce pourquoi ils sont prêtres, par la proclamation de la Parole de Dieu, la célébration de ses sacrements, le désir de la fraternité partagée, dans une dynamique missionnaire.

 

Nous avons entendu, il y a deux semaines, le récit de la prédication de Jésus à Nazareth : « L’Esprit du Seigneur m’a envoyé proclamer la Bonne Nouvelle aux pauvres ». Dans cette mission qui lui est confiée par le Père, le Seigneur choisit des disciples à sa suite, pour qu’avec lui, ils répondent à cette mission. C’est aussi cela une vocation ; non une affaire personnelle, mais avec le Christ, exercer un service en étant soi même appelant, suscitant le désir de partager la tâche confiée.

Je crois fermement qu’une Eglise où les chrétiens répondent avec joie et avec foi, aux missions confiées, saura susciter les ministères dont elle a besoin. Sans doute ne seront-ils plus exercés à la manière d’hier, mais répondant aux besoins d'aujourd’hui, pour demain.

 

Christian Le Borgne, curé