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Distaget...

Deux passages de l'Evangile peuvent être proclamés ce dimanche. Le lectionnaire prévoit le récit communément appelé de la "femme adultère" ;  si au cours de cette messe du carême, on célèbre un "scrutin", étape pour les adultes vers le baptême à Pâques, c'est le récit de la résurrection de Lazare qui peut être retenu.

 

Ces deux récits évoquent deux situations totalement différentes. Cependant, dernier dimanche avant l'entrée dans la Semaine Sainte, je retiens deux éléments communs, et un troisième... "Deux choses, et une troisième" disait l'Ecclésiaste !

 

Dans l'un comme dans l'autre des récits, il y a un présupposé de la part des protagonistes. Ils "savent". Comme dans le récit de "l'Aveugle né", "nous savons que cet homme est pécheur", tous deux nous présentent des personnes sevrées de connaissance, et de fait, en difficulté pour accueillir la nouveauté de la Parole. 

 

Dans le récit de la femme adultère, les hommes de la loi savent que cette femme doit être condamnée à mort. "et toi que dis tu ? Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser." Ils connaissent la loi ! Ils en sont les maîtres... Et Jésus est sommé d'être conforme à ce qu'ils savent de la loi.


Dans le récit de Lazare,Jésus invite Marthe à la foi, mais elle aussi est bardée de certitudes et de connaissances :  « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. ». Jésus l'invite à aller plus loin que cette certitude, cette "connaissance" d'une vie éternelle ; il l'invite à la foi, en lui, Jésus, dans cet aujourd'hui de la rencontre. "Je suis la résurrection et la vie, crois tu cela ?"

 

Nous avons besoin de connaissances, non seulement élémentaires, comme les notions premières enseignées au catéchisme ou dans un parcours de catéchuménat, mais aussi d'un approfondissement, dans l'intelligence de la foi. Mais il y a toujours un danger, celui de la "gnose", dérive sectaire qui suppose que sont sauvés ceux qui ont eu accès à des "révélations" à la juste connaissance des vérités divines. Aussi, en même temps qu'une acquisition de connaissance, un apprentissage spirituel est requis. Ce n'est pas la connaissance  intellectuelle qui assure le salut, mais la foi, c'est à dire la connaissance dans l'intimité de la rencontre avec le Sauveur.

 

Le second point commun, entre ces deux récits, concerne les personnes directement concernées, mais condamnées au silence. L'une, déjà condamnée, qui ne peut même pas présenter sa défense, l'autre, évidemment, parce qu'il est mort !.

Or tous deux entendent une parole de salut, de vie, une parole libératrice. "Déliez-le, et laissez-le aller !" pour l'un ; "personne ne t'a condamnée ? Moi non plus je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus" pour l'autre. 

 

Nous avons dans ces récits singuliers, non seulement des éléments importants de la foi chrétienne, l'annonce du pardon pour l'une, de la résurrection pour l'autre, mais également l'annonce du mystère pascal. Par la victoire du Christ, nous sommes dès à présent libérés de toute entrave, nous ne sommes plus esclaves des forces de haine ni de mort. 

 

Troisième point, dans ces deux récits nous sommes introduits dans les récits de la Passion.

 

Dans la trame de chacun des récits, nous est évoqué le désir des hommes de la loi de mettre Jésus à mort. Jésus ne se dérobe pas, il assume, il prend l'initiative du conflit. 

Suite à la résurrection de Lazare, Caïphe, le grand prêtre a cette parole prophétique "il vaut mieux qu'un seul homme meurt pour le salut du peuple"...
Dans le récit de la femme adultère, elle seule est présentée à Jésus. Surprise en flagrant délit, sa "connaissance" est absente, on l'a laissée se dérober... C'est Jésus qui se met à même le sol, à sa place, comme pour recevoir les pierres...

 

Nous sommes en route vers Pâques. Nous accompagnons ceux qui se préparent au baptême, à la confirmation, à l'eucharistie. Avec eux nous entendons la question posée par Jésus à Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?".
Non seulement une vie "après" mais dès à présent ! Au delà du don et du pardon, "moi non plus je ne condamne pas", c'est ce présent qu'il nous accorde, la vie !

 

Christian Le Borgne, curé