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Saint Sacrement

Je vous ai sans doute raconté déjà cette histoire, celle d'un homme qui s'en va consulter son médecin ; "Docteur, j'ai mal à la rotule du genou". "Monsieur, vous faites un pléonasme !" De retour à la maison, sa femme lui demande :"Alors, il ta dit quoi le docteur ? Il m'a dit que je faisais un pléonasme". Cette petite blague, je la retiens de Michel Scouarnec, durant un cours de français, en classe de 6ème ! Transmission...

 

Qualifier l'eucharistie de "Saint Sacrement", n'est-ce pas un pléonasme ? Un sacrement n'est-il pas, par définition saint, puisque acte de sanctification ? L'eucharistie n'est-elle pas la forme achevée de toute sanctification, et dans sa célébration, et dans l'accueil de la vie du Christ, puisqu'il s'agit de faire corps avec lui ?

 

Il y aurait tant à dire sur le mystère eucharistique ! Au regard des textes de ce dimanche, je vous en propose trois aspects :

 

L'eucharistie a l'aspect d'un repas, et il s'agit bien d'un repas, avec du pain et du vin, mais un repas tout entier marqué par la prière de louange. "Goutez et voyez comme est bon le Seigneur" dit le psaume. Le Christ prend du pain et rend grâce, il dit la bénédiction sur la coupe.

Dire la bénédiction, rendre grâce, c'est reconnaître avec les mots de la prière, que tout est cadeau venant de Dieu, cadeau à accueillir, et à reconnaître comme venant de lui.

N'en déplaise aux nostalgiques du langage sacrificiel, les psaumes et les prophètes nous rappellent sans cesse que le sacrifice qui plait à Dieu, ce n'est pas le sang versé, ni la graisse des boucs, mais la prière sincère, le cœur humble qui reconnait les bienfaits de Dieu.

 

"Donnez-leur vous mêmes à manger"...
Le Christ prend le temps, longuement, de nourrir la foule de son enseignement, et les disciples s'inquiètent au sujet de l'intendance. Il est grand temps de ramener tout le monde à la maison, y'a rien à manger ! Alors Jésus les invite à relever le défi. Au résultat, ils se retrouvent, après avoir nourri une foule considérable, à devoir continuer le partage ; il reste autant de paniers pleins que de disciples !
C'est le second aspect de ce "mystère", de ce sacrement : la célébration de l'eucharistie, la célébration de la messe n'est pas un acte de piété isolé dans un confinement de dévotion. La sainte réserve eucharistique, c'est à dire le tabernacle, n'a pas pour origine la dévotion au Saint Sacrement, mais la nécessité de porter la communion aux malades... Il n'y a pas à opposer, mais à conjuguer, l'un et l'autre !

Cette célébration manifeste le tout de la sollicitude de Dieu pour tous les hommes, jusqu'au don de son Fils. Guérir, enseigner, nourrir, jusque se laver les pieds les uns aux autres à l'exemple du Christ, voila ce qu'il nous demande en disant "faites cela en mémoire de moi". Célébrer l'eucharistie nous convoque à faire mémoire, c'est à dire à inscrire aujourd'hui toutes les exigences de l'Evangile.
"chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe,
vous proclamez la mort du Seigneur,
jusqu’à ce qu’il vienne"

 

Ce dimanche à Briec, des enfants du caté célèbrent la "première des communions", comme l'ont fait d'autres avant eux,  les dimanches précédents à Châteaulin, Sainte Anne ou Pleyben.

Cette initiation au mystère eucharistique, et c'est le troisième point que je voudrais souligner, répond au devoir de transmission. Saint Paul, dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe, souligne cette dynamique de la "Tradition", c'est à dire du passage de relai : " j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis".
D
ans leurs lettres de motivation à communier pour la première fois, les enfants aiment à mentionner les  adultes qui les ont accompagnés sur le chemin de la foi, parents, catéchistes, enseignants...

Il s'agit non seulement de transmettre la pratique d'un rite, aussi beau soit-il, mais bien plus, de développer et de parfaire, par un sacrement, l'intimité avec le Christ qui nous ouvre à toute la dimension d'amour du Père.

Nous sommes dans une démarche croyante et confiante au fil de l'histoire. Il n'y a pas lieu de dévaloriser ce qui n'est pas parfait, absolu. La tradition biblique reconnait comme juste et plaisant à Dieu la bénédiction de Melkisedek, un prêtre d'une religion païenne... 

Le rite ne s'arrête pas à un moment figé de l'histoire, il nous est confié comme compagnon de la mémoire, tout au long des chemins de l'histoire de Dieu avec ses enfants.

 

Christian Le Borgne, curé