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Epiphanie

Adoration des mages - Brasparts

 

L'actualité de ce début d'année est marquée par le décès et les funérailles de notre pape émérite Benoît XVI. Il laissera à l'Eglise l'héritage d'un travail théologique conséquent, marqué par la rigueur intellectuelle, le souci d'articuler foi et raison.

 

S'il est dans l'Ecriture, et particulièrement dans l'Evangile, des récits où l'annonce de la foi met la raison à rude épreuve, un récit comme celui de la visite des mages en est une belle illustration.
En effet, ce récit de mages venus d'on ne sait où, guidés par une étoile, pour reconnaître comme roi un nouveau-né dans un abri de fortune, relève d'avantage du conte de fée ou du récit fantastique, genre Harry Potter, que d'un récit historique cohérent !

Dans son livre "L'enfance de Jésus", sous la double signature "Joseph Ratzinger Benoît XVI", le pape, fidèle à sa formation de théologien, écrit en avant-propos : "Une interprétation juste, selon moi, requiert deux étapes. D'abord, il faut se demander ce qu'ont voulu dire, à leur époque, les auteurs de ces textes - c'est la composante historique de l'exégèse. Mais il ne faut pas laisser le texte dans le passé, en l'archivant parmi les évènements arrivés il y a longtemps. La seconde question doit être : "Ce qui est dit est-il vrai ? Cela me regarde-t-il ? Et si cela me regarde, de quelle façon ?" Devant un texte tel qu'un texte biblique, dont l'ultime et le plus profond auteur, selon notre foi, est Dieu lui-même, la question du rapport au passé avec le présent fait immanquablement partie de l'interprétation elle-même. En cela le sérieux de la recherche historique n'est en rien diminué, mais augmenté."

(L'enfance de Jésus, Flammarion, 2012, pour l'édition française, "Avant-Propos", pp 7-8)

 

Dans son chapitre 4, intitulé "Les Mages d'Orient et la fuite en Egypte", il aborde point par point, selon les outils de la connaissance historique, de l'exégèse biblique et de ses conséquences théologiques les éléments constitutifs du récit, à savoir le cadre historique et géographique du récit, l'identité mystérieuse des "mages", la mention et la nature de l'étoile, ce qu'il nomme l'étape intermédiaire à Jérusalem, c'est à dire le moment ou les mages viennent s'enquérir du lieu où est né le Roi du Juif, la séquence de l’adoration devant Jésus, et enfin la fuite en Egypte et le retour dans la Terre d'Israël.

 

Je ne peux vous résumer en quelques lignes ce qui est édité en cinquante pages ; mais il me plait de souligner dans ses analyses et réflexion, ce qui était le cœur de la pensée de Joseph Ratzinguer, théologien, acteur et héritier du Concile Vatican II : "Les hommes dont parle Matthieu n'étaient pas seulement des astronomes. Ils étaient des "savants", ils représentaient la dynamique de l'aller au-delà de soi, intrinsèque aux religions - une dynamique qui est une recherche de la vérité, recherche du vrai Dieu et donc aussi une philosophie dans le sens originaire du mot. [...] En ce sens, ces hommes sont des prédécesseurs, des précurseurs, des chercheurs de la vérité, qui concernent tous les temps"  (pp.134-135)

Reste l'idée décisive : les savants de l'Orient sont un commencement, ils représentent la mise en  route de l'humanité vers le Christ, ils inaugurent une procession qui parcourt l'histoire tout entière. Ils ne représentent pas seulement les personnes qui ont trouvé le chemin jusqu'au Christ. Ils représentent l'attente intérieure de l'esprit humain, le mouvement des religions et de la raison humaine à la rencontre du Christ. (pp.136-137).

 

Au passage, le pape théologien ne manque pas d'humour pour critiquer certaines lourdeurs de nos institutions ; ainsi la réponse des chefs des prêtres et des scribes à la question des Mages indique qu'ils avaient non seulement les informations géographiques mais également l'interprétation théologique du lieu et de l'évènement. Comment se fait-il qu'ils n'en aient pas tirer les conclusions concrètes ? "Peut-être doit-on repérer ici en cela l'image d'une théologie qui s'épuise dans la dispute académique ?" (p. 149)

Les mages ont suivi une étoile, ils ont reçu des informations nécessaires par les hommes du Livre, ils ont contemplé l'Enfant-Roi, et avertis en songe, ils sont repartis par d'autres chemins...
Benoît XVI aura été pour l'Eglise d'un apport considérable ; à la suite de bien d'autres, et à sa suite, c'est François qui s'est vu confier la charge de mener l'Eglise, afin que les chemins de la connaissance et de l'adoration du Christ soient offerts à tous.

Il revient à chacun de nous d'accueillir et de révéler cette lumière, née à Bethléem en Judée, étoile pour tout homme de bonne volonté.

 

Christian Le Borgne, curé