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Un autre regard sur l'eucharistie

Il y a en l'Eucharistie un sacrement
On dit couramment : l'Eucharistie, c'est recevoir Jésus-Christ, il suffit de s'approcher de la table sainte, d'avancer ses lèvres ou ses mains et de recevoir Jésus- Christ ! Mais en réalité ce n'est pas si facile que ça, car il y a dans l'Eucharistie une formidable exigence qu'il faut souligner.
Que veut donc dire : tenir Dieu dans ses mains? Avoir Dieu dans la bouche, ou dans un tabernacle ou une église? Porter le Bon Dieu ? Cela, tout cela, dans ces expressions peut sembler tellement idolâtrique! Oui, c'est idolâtrique dans la mesure où l'on a oublié cette chose capitale, que l'Eucharistie est le sacrement du corps de Jésus-Christ. On oublie très facilement et régulièrement qu'il y a en l'Eucharistie un sacrement, c'est-à-dire une réalité, une valeur : on atteint Jésus-Christ dans la mesure où l'on s'est atteint soi-même. Il importe beaucoup de situer l'Eucharistie comme un sacrement et d'en connaître conséquemment toutes les exigences.
« Il vous est bon que je m'en aille ! »> a dit Jésus à ses Apôtres. L'humanité de Jésus était un piège pour ses Apôtres parce que leur regard n'était pas suffisamment clair et transparent, pas encore capable de voir à travers cette humanité la Personne même du Fils d'un Dieu pauvre. Alors on ne peut tout de même pas imaginer Jésus leur tendant un nouveau piège en instituant l'Eucharistie !
Les Apôtres ne voyaient pas dans l'humanité de Jésus la présence divine au sens spirituel, au sens qu'elle doit avoir pour notre esprit. Ils voulaient que cette humanité les conduise à la gloire et au triomphe, ce qui lui était si contraire qu'il n'a pas pu s'empêcher de dire à Pierre : Arrière de moi, Satan!» quand Pierre veut le détourner de la Croix.
On n'imagine pas Jésus reconstruisant un piège encore plus dangereux parce qu'il mettrait dans les âmes de ses disciples sa présence comme une réalité tangible, et qu'ils soient alors induits à croire qu'il suffit d'avoir ce pain consacré dans la bouche pour être sauvés !
C'est absolument impossible parce que, être sauvé, c'est être délivré de son moi possessif, propriétaire et dévastateur, qui nous sépare les uns des autres, et qui établit entre nous toutes ces frontières innombrables tant entre les individus qu'entre les peuples.
Maurice Zundel - Un autre regard sur l'eucharistie, Le Sarment