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Mauvaise foi

Dans nos traductions habituelles des évangiles, le Christ traite "d'hypocrites" ses adversaires retors, notamment les pharisiens. La traduction la plus juste serait le terme de "comédien", mais cette formulation  serait offensante vis à vis des artistes qui exercent, parfois avec talent, cette belle profession. 

"Comédiante" : Jeu de mensonge où l'acteur se dissimule pour revêtir un rôle, et lui donne vie, plus ou moins bien selon ses qualités de comédien.
Michel Serrault, dans une interview accordée à Michel Scouarnec (La Maison Dieu n°219), reconnaissait que s'il rendait crédible au théâtre ou au cinéma des "personnages" comme celui de l'infâme Docteur Petiot ou de Zaza dans "La Cage aux folles", jamais il ne se reconnaissait dans la vie courante dans l'un ou l'autre de ces "rôles". Tandis que, lorsqu'il lisait un passage de Saint Paul au cours de la messe dominicale, jamais il ne cherchait à "interpréter" l'apôtre, mais, au contraire, se faisait son premier auditeur...

 

Ce n'est pas le jeu de l'acteur qui est mensonger ; mais vivre son existence quotidienne comme si l'on portait un masque, voilà le mensonge. Maintenir un rapport d'illusion entre une apparence, une façade, et ce ce que l'on pense vraiment, ce que l'on est en vérité, jusque dans les choix concrets et réels,  voilà l'hypocrisie. "Comédiente".

Lorsque tombent les masques, la pauvreté, la duplicité sont révélées. Comme le reconnaît Adam, après avoir répondu à la sollicitation du Serpent, après avoir voulu goûter à la connaissance du bien et du mal, "J'ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché".

 

"C'est celui qui dit qui est !"... Nous connaissons cette réplique que nous avons sans doute utilisée sous les préaux de récréation de notre enfance. Celui qui porte le masque, pour arriver à ses fins, traitera son adversaire de menteur et de retord. Voyez les discours politiques à l'Est comme à l'Ouest... Voyez au sein de notre Eglise les propos venimeux de ceux qui qualifient d'hérétique et de diviseur notre pape François !

Les adversaires du Christ connaissent bien ce jeu de l'accusation mensongère. "Il est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons.

 

Béelzéboul, Satan, démon, je ne vais pas reprendre un billet sur ce sujet, publié il à quelques mois  ("Le diable dans le bénitier).

L'accusation formulée par les "Maîtres de la loi", révèle leur duplicité. Ils auraient gagné à adopter le comportement de Nicodème, venant de nuit, certes, mais à visage découvert, dialoguer avec Jésus. "Nul ne peut accomplir les signes et les prodiges que tu fais s'il ne vient de Dieu...".


Hélas, les pharisiens invectivent pour discréditer, par des mots qui blessent, qui excluent, qui tuent.

Leurs propos révèlent le mensonge, le combat pour dominer, la soif de puissance mise à mal par un adversaire, combien même cet adversaire viendrait il de Dieu !. 


Leur mauvaise foi nous vaut cette mise en garde sévère de la part du Christ :
"Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon."

"Le péché contre l'Esprit", bigre, voilà une expression qui fait froid dans le dos !  Je n'aurai pas la prétention de donner une explication définitive, mais ce péché contre l'Esprit, n'est-ce pas tout simplement ce que nous appelons la "mauvaise foi" ? Refus de reconnaître son erreur, sa faute, refus de se situer en vérité, refus de répondre humblement à la miséricorde proposée

 

Seul l'Esprit Saint peut susciter en nous cette attitude d'accueil de l'amour de Dieu en réponse à nos faiblesses, mais si nous refusons en toute connaissance de cause cette planche de salut, comment être sauvé ? 

Dieu nous préserve d'une telle attitude d'orgueil, qui mène au suicide spirituel ! Mais soyons également conscients de ces masques que nous façonnons, comme pour mieux nous protéger. Ce sont ces masques qui suscitent tant de douleurs quand ils tombent !

 

Christian Le Borgne, curé