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Donnez leur vous même à manger

Nous avions pour consigne de ne communiquer que "de bouche à oreille", sur le fait de notre départ. Désormais la chose est officielle, annoncée publiquement sur le site du diocèse. A compter du 1er septembre, je bénéficie d'une année sabbatique, et Daniel, d'une année d'études, dite "année de ressourcement". Alain Chateau, aujourd'hui curé de Brest-Trinité est nommé curé de la paroisse, et François de Paul Rafanomezantsoa, du diocèse d'Antsirabé, nommé coopérateur. François Niar Ciss demeure une année encore sur la paroisse.
Sur la photo prise lors du rassemblement de la Pentecôte à Brest, vous pouvez reconnaître Alain entre François Niar et moi. 

Autre évènement important pour notre diocèse,Nicolas Poulain, que nous avons accueilli comme séminariste stagiaire durant deux années, est ordonné prêtre pour notre diocèse, ce dimanche après midi.

 

Comment ne pas entendre ce passage de l'évangile de ce dimanche, "Donnez leur vous même à manger", sans penser à ces évènements ? Cette phrase du Christ résonne pour moi de manière particulière,  elle était le thème des ordinations presbytérales et diaconales à Rumengol, en 1987, ou j'étais moi-même ordonné diacre.

 

En ce dimanche du "Saint Sacrement", et tandis que nous partons Daniel et moi en pèlerinage jubilaire avec notre évêque et quelques prêtres du diocèse à Rome, ce passage de l'Evangile nous redit quelle est la raison, la source de notre ministère. "Pêcheurs d'hommes", nous sommes appelés, avec le Christ, par lui et en lui, à organiser le partage, afin que tous aient à manger.
Il est dommage que le ministère des prêtres soit réduit, en raison de discours et de fonctionnements réducteurs, au pouvoir de "dire la messe". Célébrer l'Eucharistie, pour un chrétien, plus encore, présider l'Eucharistie, pour un prêtre, n'est pas un acte isolé en soi. Il manifeste et invite à réaliser en plénitude ce qui est le tout de la mission de l'Eglise : annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume, prendre soin des malades, des blessés de la vie, nourrir les corps et les âmes, et les confier à Dieu. Écoutez bien l'évangile de ce dimanche, dimanche du "Saint Sacrement" ! Que fait le Christ, sinon cela ? Il enseigne longuement, il guérit, et Il interpelle les disciples, face à un problème qui les dépasse ; la foule se trouve en défaut de nourriture, que chacun rentre à la maison... "Donnez-leur vous même à manger !". Alors l'un d'eux repère un enfant, avec toute sa générosité, et avec le Christ, tout est possible. Non seulement la foule est rassasiée, mais chacun des douze se retrouve chargé de continuer le partage plus loin... La réserve eucharistique n'a pas pour but premier de nous mettre à genoux devant le tabernacle, mais de nous donner faim du partage, de porter le Christ à ceux qui ne peuvent l'approcher. Communier au Corps du Christ nous engage à devenir "Présence réelle" du Christ à nos frères et sœurs en humanité.
Mais comprenez bien que pour répondre à cet appel, "donnez leur vous-même à manger", il nous faut d'une part avoir toute la force de corps et de coeur, et aussi, répondre à des personnes qui ont réellement faim du Christ et de son Evangile, disposées à offrir le peu de leur "réserve", disposées à vivre le partage dans la confiance, sans attente de retour.

 

Bien sûr, nous manquons de prêtres, et si notre évêque nous offre à Daniel et moi une année de  ressourcement pour l'un, de repos pour l'autre, au terme de sept années dans la paroisse de Châteaulin pour Daniel, et une de plus pour moi, c'est parce qu'il a bien senti que nous en avions  besoin !
Pour ma part, je partirai comme pèlerin sur les routes de Saint Jacques de Compostelle, depuis le Puy, au mois de septembre. Ensuite, en février, je serai à la disposition du diocèse de Thiès, au Sénégal, pour six mois, avant de recevoir une nouvelle mission dans le diocèse. Laquelle ? Je n'en sais rien ! Peu m'importe pour l'instant...
Parmi les orientations données par notre évêque, il saura bien me trouver une juste place !

Six années, puis sept, puis huit dans la mise en place d'organisations et de structures, dans des contextes trop souvent conflictuels en raison des habitudes et des incompréhensions, ceux qui ont vu le spectacle "Monsieur le curé fait sa crise" comprendrons sans doute, justifient ce temps de désert, de "re-création". Merci Seigneur !


Les semaines qu'il me reste à partager avec vous, et notamment des moments forts comme celui de la grande semaine de la Troménie, seront pour moi l'occasion de vivre cette transition, et aussi, un peu, de me remettre en jambe pour Compostelle !
Dire au revoir et merci aux uns et aux autres, de manière agréable dans la fatigue et la joie du chemin, n'est-ce pas une autre manière de "rendre grâce" ? Quand en plus, cela rejoint une orientation du diocèse qui me tient à cœur "Dizoloi pinvidigez yez ha sevenadur or bro" / (Re)découvrir la richesse de la culture et de la langue bretonne, "expression d'un peuple de croyants et de priants où l'Evangile est fécond".
Et aussi "Soigner les célébrations liturgiques et soutenir les expressions de la foi populaire", "manière authentique de célébrer le Christ. Elles participent également à la transmission de la foi".
Marcher, sans savoir qui l'on va rencontrer, par qui l'on sera interpellé, "Accueillir et accompagner toutes les situations de la vie" "Vivre un compagnonnage avec les plus pauvres"...
Voilà ce qui me met en appétit ! Pas vous ?
"Donnez-leur vous même à manger" !



Christian Le Borgne, curé (jusqu'au 1er septembre !)