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La Troménie - Conférence de Job an Irien

 

J’ai vu l’eau sortir du côté droit du Temple et cette eau assainit tout l’univers » (Ezekiel) et vous pouvez aussi vous rappeler qu’au moment où Jéus est mort sur la croix, les soldats viennent casser les jambes de ceux qui sont aux côtés de Jésus, mais voyant que Jésus est mort, ils ne lui brisent pas les jambes, un soldat d’un coup de lance lui ouvre le côté. il en sort du sang et de l’eau

 

Le sang, le sacrifice du Christ est représenté par l’autel, et l’eau est le signe de la vie, que par sa mort et sa résurrection il nous donne, et qui est à l’origine du baptême.

Nos églises et pratiquement toutes nos chapelles, du moins celles qui ont été construites avant 1850, ont été construites sur ce modèle. La terre même, les lieux où nous nous rassemblons pour célébrer notre foi, cette terre dit aussi notre foi, même si nous ne nous en rendons pas compte.

 

Or la Troménie est la mise en pratique de ce principe

 

Saint Ronan

 

 

St Ronan est d’origine irlandaise ; L’Irlande a eu cette chance, d’une certaine façon, de n’avoir jamais été conquise par les romains, et l’Irlande a gardé plus longtemps que tous les autres pays celtiques des traces de ce qui était « la science » dans la culture celtique. En particulier il y avait une célébration calendaire qui a lieu encore aujourd’hui le dernier dimanche de juillet, au sommet du Mont St Patrick. Or ce dernier dimanche de juillet ; Notre Troménie est une manière continentale de célébrer ce que l’on célébrait au sommet du Mont St Patrick.

 

 

 

St Ronan comme beaucoup d’autres, a quitté son pays pour se faire pèlerin pour Dieu, et je pense que en traversant les mers, il a du se dire comme St Colomban :

 

« Je suis seul, au roi du ciel, protégez mon regard et je n’aurais pas plus peur que si j’avais 10.000 soldats autour de moi. »

 

Il a débarqué sur l’ile de Molène. Le seul puits de l’île porte son nom, et il ne se tarit jamais, et l’église de Molène lui est consacrée. Et puis il quitte l’île et s’installe sur les côtes de Léon et puis il s’arrête dans un lieu qui sera appelé plus tard « Lokrounan-ar-Fank… » (Saint Renan) et sa hutte connaît une telle affluence qu’il a besoin de trouver la tranquillité pour prier Dieu. Beaucoup de personnes venaient solliciter ses prières et ses conseils et également pour les guérisons. Et donc il décide de partir, il cherche un autre endroit où demeurer, et il arrive ici, en Cornouailles au grand bois de Nevet. Alors, arrivant ici, il va s’installer et être traité comme un paysan du coin, et ce lieu que l’on appelle aujourd’hui Locronan. Malheureusement Keben, la femme du paysan jalouse va lui faire des histoires, et à bout de soucis il va devoir fuir une nouvelle fois, et selon la légende il alla d’abord dans les Côtes d’Armor puis à St René près d’Illion, St Ronan jusqu’au 17è siècle, et c’est de là que son corps va être transféré ici à Locronan

 

 

 

 

 

Un sanctuaire celtique christianisé

 

 

 

Il est probable que ce Ronan ait participé en 664 au Concile de Whitby, étant donné qu’il y avait des calendriers différents, les chrétiens bretons de Grande Bretagne ainsi que les irlandais, ne célébraient pas Pâques à la même date que les gallo-romains. Au bout du compte, c’est le roi qui va choisir, et il est probable que Ronan avait une compétence particulière dans le calcul de la date de Pâques et dans la science calendaire..

 

 

 

Quand St Ronan s’établit ici, il trouve ici sur place, dans un « déméthon » un sanctuaire celtique, il trouve sur place une pérégrination calandaire. Les recherches faites par Donatien laurent sont suffisamment claires pour que l’on puisse dire aujourd’hui qu’il y avait ici avant l’ère chrétienne un chemin pour marquer et célébrer le calendrier des celtes, et l’on sait combien le calendrier est important pour les agriculteurs.

 

 

 

On connaît un peu plus aujourd’hui le calendrier celtique grâce aux écrits de (…) par exemple et surtout au calendrier de Cololigny qui a été trouvé, cassé en mille morceaux, les romains ne voulaient pas d’autre calendrier que le leur, or le calendrier celtique correspondait beaucoup mieux à ce que nous sommes nous. Ce calendrier, il ya dans la troménie 12 stations, les 12 stations correspondent aux 12 mois de l’année. Or le calendrier celtique dans son ensemble, partage l’année en deux moitiés opposées et complémentaires. alternativement sombre et claire, de part et d’autre d’un axe 1er novembre et 1er mai. C'est-à-dire un semestre hivernal qui s’étend du 1er novembre à la fin du mois d’avril, donc constitué de 3 mois d’hiver proprement dits, puis de trois mois de printemps, et ensuite d’une période estivale du 1er mai au mois d’octobre, liant été et automne. Et au milieu exact de ces deux grandes saisons semestrielles, hiver et été, soit le 1er février et le 1er aout, à la jointure des sous saisons printanières et automnales, il y avait deux divinités, une divinité féminine en hiver et une divinité masculine en été

 

 

 

La première station, c’est Samain, dans le calendrier de Coligny c’est Samonios, en breton on dit « Kala-goañv » Kala ça signifie les calandes, goañv ça signifie l’hiver. L’hiver commence au 1er novembre et il va jusqu’au premier février. C’est le début de la saison sombre, le 1er novembre. C’était tellement important cette fête, qui était dans le monde celtique la récolte définitive des fruits et en même temps la récolte des âmes, que c’est le monde celtique qui a donné à l’Eglise la fête de la Toussaint et la fête des défunts. Ca va en même temps. La seconde grande fête, vous l’avez à la quatrième station, en Irlande elle s’appelle « Lá Fhéile Bríde », c’est le 1er février ; or on appelle aussi en Irlande (douel berhed) la fête de Brigitte. Brigitte étant d’abord, avant d’être la Brigitte que l’on connaît, une divinité du panthéon irlandais, féminine.

 

 

 

Si l’on continue nous arrivons à Beltan, Beltan c’est le 1er mai, en breton, autrefois on l’appelait Kala-hañv, les calandes d’été. Dans l’ancien diocèse de Cornouailles où nous nous trouvons, le premier mai était appelé « la Saint Corentin d’été », on célébrait la saint Corentin au premier mai

 

 

 

Et nous continuons, nous arrivons à la dixième station. La 10ème station, elle est au sommet. C’est « Lugnasad », vous retrouvez ce nom « Lug », c’est un dieu celtique, un dieu solaire, dynamique, polytechnicien sachant tout faire, c’est ce nom Lug qui est à l’origine de Lugdunum, c'est-à-dire Lyon, il était célébré le 1er août, et sa correspond en Irlande au jour de l’ascension du Mont St Patrick. Or si nous reprenons les noms en breton de ces quatre grandes stations, nous avons « kalan goañv », les calandes d’hiver, à la quatrième station, « Nevez amer », le printemps, nouveau temps, à la septième station « Kala hañv », les calandes d’été, et vous avez à la dizième station « diskar amzer », « la chute du temps » ; et vous pouvez remarquer en étant attentif qu’à partir du 1er aout le jour diminue. Parce que les celtes ne faisaient pas d’après la température, ils faisaient d’après la lumière et leur calendrier est constamment marqué par l’opposition entre la lumière et la nuit. La moitié de l’année, saison sombre, l’autre moitié de l’année, saison claire. Et l’on peut même remarquer que, il y a une analogie de structure dans les différentes unités qui servaient à la mesure du temps. Par exemple le jour commençait au coucher du soleil, pas à minuit. Et le jour se partageait entre la nuit et le jour proprement dit, partagé alternativement par la lune et le soleil. De même le mois avait deux quinzaines inversées, la première centrée sur la pleine lune, la seconde sur la nouvelle lune, et l’année avec ses deux semestres à tendances opposées, l’hiver sombre, froid et humide ou la nature s’assoupit et se renouvelle, l’été lumineux chaud et sec ou la nature s’épanouit et se dépouille.

 

 

 

Donc en faisant la troménie, en mettant ses pieds dans les pieds du saint comme on dit à Locronan, on mime par le fait même la course annuelle du soleil. Et on sacralise d’une certaine façon le temps

 

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12 stations, chemin de la foi chrétienne

 

 

 

La Troménie commence ici (église) au niveau médian, à 150 m au dessus de la mer. C’est un niveau habituel. Et nous allons descendre, puisque nous commençons au début de l’hiver, vers l’obscurité et y entendre le message qui nous invite à la lumière.

 

 

Les premières stations, et l’on peut dire les quatre premières stations nous disent le don de Dieu. Elles nous disent ce que Dieu propose, ce que Dieu a fait pour nous. Nous savons bien que nous n’avons pas gagner notre ciel, il déjà été gagné par Jésus. Pas la peine d’essayer à la force de nos bras, il nous est donné gratuitement. Et c’est ça qu’il nous faut essayer de comprendre, et nous avons les premières stations pour nous le rappeler.

 

La première station par exemple, c’est le début de l’evangile de st Jean « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. Il est la vrai lumière. » Voila ! Gloire à Dieu !

 

Et si je prends la seconde station : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils pour que par lui le monde soit sauvé.. Et l’on chante la louange de Dieu. Et la troisième station « L’Esprit de vérité viendra et rendra témoignage en ma faveur » et nous chantons « Spered Santel », nous chantons l’Esprit Saint !

 

Ces premières stations n’ont pas d’autre but que de nous dire ce que Dieu fait pour nous. A nous de méditer tranquillement parce que selon le calendrier celtique, on est en hiver, et en hiver on a le temps, on peut se permettre de se reposer et de réfléchir.

 

Nous arrivons à la quatrième station ; elle est comme un résumé de ce que l’on vient de dire dans les trois précédents. La vie avec Dieu, voilà à quoi nous sommes invités, accueillir l’amour du Père et du fils et du Saint Esprit, voilà ce qui nous est promis, voilà ce qui nous donne la paix ! Le but ultime de notre vie, cette quatrième station résume la Bonne Nouvelle. Donc, actuellement consacrée à Ste Anne, il faudrait la consacrer aussi à la Vierge Marie.

 

 

 

Si nous prenons les stations suivantes, alors toutes les stations suivantes, jusqu’à la fin, c’est notre réponse, à quoi nous sommes invités à ce moment-là. La cinquième station, c’est la Transfiguration. Nous sommes au plus bas, du point de vue du terrain, à 75 m, et nous allons partir de là à la dixième station nous serons à 250 m. Nous sommes au plus bas, et là au plus bas, qu’est-ce qui nous est donné à voir ? La montagne de la transfiguration et la Parole qui nous vient du ciel « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez le ! » Voilà la première chose à faire : écouter, écouter le Christ, écouter ce qu’il a à nous dire. Et toutes les stations suivantes vont nous dire la marche à suivre.

 

Si je prends dans la sixième, cette fois-là, il s’agit de devenir comme des petits enfants parce que le Royaume leur appartient, et les accueillir car les accueillir c’est accueillir Jésus ; C’est pas compliqué !

 

La septième. Je vous ai dit que dans le calendrier celtique ça correspond à Kalan goañv. Et nous sommes là au cœur même de la troménie, et le message qui nous est donné c’est le commandement nouveau « aimez vous comme je vous ai aimés ». « Et vous serez mes amis »… Cette station correspond au premier mai, début de la saison claire qui nous conduit au sommet de la montagne. Et il n’est pas étonnant que le cœur même du message chrétien soit proclamé ici dans l’évangile de St Jean, l’évangéliste de l’opposition entre les ténèbres et la lumière. Autrefois à Locronan, il y avait le premier mai. Les jeunes gens allaient planter un arbre, auprès du puit, et cet arbre l’arbre de mai serait brulé à la St Jean Baptiste, au solstice.

 

Et nous arrivons à la neuvième station, au pied de la montagne, et là nous avons la loi du bonheur, les Béatitudes. Vous voyez c’est très simple ce qui nous est donné comme message d’Evangile depuis la 5ème station : « Ecoute le Seigneur », ensuite « aimez vous les uns les autres », « prends ta croix et suis-moi », et puis « Heureux les pauvres, heureux ceux qui pleurent. Heureux ceux qui font la paix » etc…

 

 

 

 

 

Et l’on va grimper à la montagne, ce sera la dixième station, ce sera le premier août. Elle est consacrée à St Ronan bien sur, au sommet de la montagne. Elle représente la grande fête calendaire celtique du milieu de la saison claire que les irlandais appellent « … » à la santé de Lug, garante de la fécondité humaine et naturelle, et c’est la station principale de la troménie. Et là haut qu’est-ce qu’on entend ? L’Evangile qu’on entend, l’évangile de la nativité, de Joseph, et le oui de Joseph et Marie. Le fruit des siècles d’histoire humaine, c’est la naissance de Jésus, Fils de Dieu, homme parmi les hommes, et Joseph et Marie nous sont donnés comme modèle d’écoute et d’obéissance à Dieu. C’est aussi ce que St Ronan a vécu en venant prier sur cette montagne. Et nous la consacrons à l’annonce de la Bonne Nouvelle ; elle est là, donnée tout simplement. Homme parmi les hommes Jésus est venu il a pu venir parce qu’il y avait les oui de Joseph et Marie. Extraordinaire ! Et ça qu’on célèbre là-haut.

 

 

 

Alors il reste deux stations. Et les deux dernières stations continuent à nous guider. Elles vont nous conduire à Samaïn, on va revenir à la vie ordinaire.

 

La onzième station, le travail du disciple, attendre le retour du maître, garder la lampe allumée, veiller, tenir bon

La douzième, la récompense de ceux qui quittent tout, et la récompense est la vie éternelle

 

 

 

 

 

Pourquoi faire la Troménie ?

 

 

 

’est le parcours de vie du chrétien qui nous est proposé. dans la Troménie. Et Ronan, sachant très bien ce qu’était le calendrier celtique, l’a transformé pour nous dire l’évangile, la Bonne Nouvelle, en tenant compte du calendrier lui-même qui était inscrit ici dans la terre. Et donc faire le parcours de la troménie, c’est accepter que le salut que Dieu nous propose soit aussi inscrit ici dans cette terre, dans ce parcours, dans cette pérégrination que nous vivons ensemble.

 

 

 

Je crois que le message de la Troménie est un message très simple que tous les chrétiens peuvent entendre. Et qui est basé sur quelque chose de bien plus ancien que la foi chrétienne et qui correspond parfaitement à notre foi

 

Job an Irien,
Locronan, juillet 2019