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rendre à César ce qui est à César

Les adversaires de Jésus veulent lui tendre un piège ; ceux qui entre eux ne peuvent s'entendre, et qui par nature s'opposent, créent une coalition de circonstance afin de condamner cet homme accueilli comme le Messie.

D'un côté les hommes du roi Hérode. partisans de la famille "régnante", ils pactisent avec les romains afin de préserver un strapontin dans la gestion de la province occupée.
De l'autre, les pharisiens, juifs pieux, observant scrupuleux de la loi juive, considérant l'occupant romain comme un païen, qui malgré ses prétentions ne peux en rien se considérer comme dieu ! Empereur qui a consenti à ce que les juifs ne lui rendent pas un culte dans leur temple, moyennant une taxe particulière... 

L'objet du délit est tout trouvé, faut-il oui ou non payé cette taxe ? Selon sa réponse, Jésus est irrémédiablement condamné par l'un ou l'autre camp.

Le piège est tendu, les mots sont choisis pour y conduire : "Tu es franc, tu enseignes les chemins de Dieu en toute vérité, sans te laisser influencer par qui que se soit..." en clair, tu ne vas pas t'en sortir par une pirouette dont tu as le secret !

 

Jésus répond à leur hypocrisie en les prenant la main dans le sac, ou plutôt, dans la poche ! "Montrez-moi la monnaie qui sert à payer le tribut". Ces hommes qui contestent les prétentions de l'empereur sont mis à jour dans leur hypocrisie. Ce qu'ils condamnent, ils en font usage, la monnaie de César, avec son effigie frappée d'un qualificatif divin ! L'inscription qui entoure le portrait impérial est la suivante : "Tiberius Cæsar Divi Augusti Filius Augustus”, (Tibère César fils du divin Auguste). La photo ci dessus en est une reproduction.

"Cette effigie, cette inscription, de qui sont elles ?"

"Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu".

 

Il est à noter que la seconde partie de la réponse, rendre à Dieu ce qui est à Dieu, a disparu dans le langage courant... Et pourtant, c'est dans cette invitation à restituer à Dieu ce qui lui revient, que se situe la réponse du Christ. L'empereur, malgré ses prétentions, n'est pas Dieu ; l'argent non plus ! Comme l'écrivait Maurice Clavel, "Dieu est Dieu, nom de Dieu". Nul ne peut l'enfermer dans nos querelles partisanes, ni l'invoquer pour justifier la mort d'un homme. 

 

Cette répartie du Christ, définissant la séparation et le juste rapport entre le temporel et le spirituel, deviendra pour les chrétiens la base d'une compréhension de la vraie laïcité. Ce n'est pas retirer à Dieu ses prérogatives, mais bien interdire à toute institution humaine, politique, sociale ou économique ses tentations idolâtriques. 

Voici, à ce sujet, ce qu'écrit, en 2005, le Père Cantalamessa, prédicateur de la Maison Pontificale (nommé par Jean Paul II en 1980, confirmé dans cette mission par Benoit XVI et François) :

Non pas, César ou Dieu, mais : l’un et l’autre, chacun à son niveau. C’est le début de la séparation entre religion et politique, jusqu’alors inséparables dans tous les peuples et tous les régimes. Les juifs étaient habitués à concevoir le futur règne de Dieu instauré par le Messie, comme une théocratie, c’est-à-dire comme un gouvernement direct de Dieu sur la terre à travers son peuple. En revanche le Christ révèle un règne de Dieu qui est en ce monde, mais pas de ce monde, qui avance sur une longueur d’onde différente et qui peut par conséquent coexister avec n’importe quel régime, qu’il soit de type sacré ou « laïc », "Nous ne sommes pas divisés entre deux appartenances ; nous ne sommes pas contraints de servir « deux maîtres". Le chrétien est libre d’obéir à l’Etat, mais également de lui résister lorsque l’Etat se met contre Dieu et sa loi. Il n’est pas juste d’invoquer le principe de l’ordre reçu des supérieurs, comme ont l’habitude de le faire les responsables de crimes de guerre, dans les tribunaux. Avant d’obéir aux hommes, il faut obéir à Dieu et à sa conscience. On ne peut pas donner à César l’âme qui appartient à Dieu.

Payer honnêtement les impôts pour un chrétien (et pour toute personne honnête) est un devoir de justice, une obligation de conscience. En garantissant l’ordre, le commerce et tous les services, l’Etat donne au citoyen une chose pour laquelle il a droit à une contrepartie, précisément pour pouvoir continuer à rendre de tels services.

L’évasion fiscale, lorsqu’elle atteint certaines proportions, nous rappelle le Catéchisme de l’Eglise catholique, est un péché mortel. C’est un vol perpétré non contre « l’Etat », c’est-à-dire personne, mais contre la communauté, c’est-à-dire tout le monde. Ceci suppose naturellement que l’Etat aussi soit juste et équitable dans ses critères d’imposition.

La collaboration des chrétiens à la construction d’une société juste et pacifique ne se limite pas à payer des impôts ; elle doit également s’étendre à la promotion des valeurs communes comme la famille, la défense de la vie, la solidarité avec les plus pauvres, la paix. Il existe un autre domaine dans lequel les chrétiens devraient apporter une contribution plus efficace : le domaine de la politique. Pas tant sur le plan des contenus que des méthodes, du style. Il faudrait désenvenimer le climat de dispute perpétuel, ramener davantage de respect et de dignité dans les relations entre les partis. Respect du prochain, douceur, capacité d’autocritique, sont des éléments qu’un disciple du Christ doit apporter dans tous les domaines, y compris la politique. Se laisser aller aux insultes, au sarcasme, à la bagarre contre l’adversaire, est indigne d’un chrétien. Si, comme le dit Jésus, celui qui dit à son frère « stupide », sera condamné à la Géhenne, qu’en sera-t-il de nombreux hommes politiques ?
https://fr.zenit.org/2005/10/14/a-dieu-ce-qui-est-a-dieu-meditation-du-predicateur-de-la-maison-pontificale/

[Texte original en italien publié dans « Famiglia cristiana » – Traduction réalisée par Zenit]

Christian Le Borgne, curé