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"Détruisez ce Temple, et,en trois jours, je le relèverai"

ARCABAS, JÉSUS CHASSE LES MARCHANDS DU TEMPLE (MARC 11,15-19)
À L'ÉGLISE NOTRE-DAME-DES-NEIGES À L’ALPE D’HUEZ (ISÈRE)
© ARCABAS / ADAGP

Troisième dimanche du carême, déjà ! Après les quelques jours de repos que je me suis attribués, je reprends ce petit lieu de commentaire, de méditation, de réflexion, au gré des dimanches.

 

Revenons, si vous le voulez bien, aux deux dimanches précédents. Comme chaque année, le lectionnaire nous propose, en ouverture du carême, le récit de la Tentation de Jésus au désert, puis le récit de la Transfiguration. Nous avons là, en quelque sorte, le portail à deux colonnes qui structure la marche vers Pâques, temps de désert, d’épreuve, de vérification, d’une part, mais aussi temps de consolation, d’illumination, d’invitation à écouter le Christ, d'autre part. Ces deux récits laissent entrevoir le terme du carême, ce à quoi il nous conduit, l’épreuve de la croix et la lumière du matin de Pâques.

Puis viennent les grands récits qui structurent les étapes des catéchumènes, et que l’on reprend chaque année lorsque ces étapes vers le baptême, les « scrutins », sont célébrées : la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, la guérison de l’Aveugle né, la résurrection de Lazare…

Sinon, cette année B nous propose, également chez Jean, un approfondissement de la mort et de la résurrection du Christ. Ce dimanche, Jésus chassant les marchands du Temple « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai», le dimanche suivant, le dialogue avec Nicodème « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui obtienne la vie éternelle », et enfin, l’annonce de la passion, « le grain de blé tombé en terre », « l’heure est venu où le Fils de l’Homme doit être glorifié »… Enfin, le dimanche des Rameaux, nous entendrons le grand récit de la Passion, cette année, dans l’évangile selon saint Marc.

 

Ce dimanche donc, nous voici au Temple de Jérusalem. Ceux qui entendent le récit de la Samaritaine le retrouvent également dans le dialogue « Je vois que tu es un prophète, Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous les juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. ». Après le désert, lieu traditionnel de la recherche de Dieu dans le silence et l’ascèse, et aussi de l’épreuve, des figures comme celles de Charles de Foucauld ou des moines de Thibirine nous le rappellent, après la montagne, lieu traditionnel de la rencontre avec Dieu, la liste est longue dans la Bible, nous voici dans le Temple, le sanctuaire « urbanisé » où il est donné au croyant de célébrer son Dieu. Comme l’a voulu David, il manifeste l’alliance de Dieu au cœur de son peuple. Il est le tabernacle de l’Arche contenant les Tables de la Loi. Il est le lieu de rassemblement et des sacrifices à l’occasion des pèlerinages et des grands événements. Joseph et Marie y sont venus présenter l’enfant Jésus et ont offert un couple de tourterelles en sacrifice. Plus tard, ils l’ont accompagné lors de son premier pèlerinage, et Saint Luc nous raconte, que déjà, ils ne le retrouvent qu’au troisième jour !

 

Il n’y a pas de lieu de grands rassemblements qui ne connaisse ses « marchands du temple ». Comment brûler un cierge si on ne peut se le procurer ?  Tout lieu de passage a besoin de ressources pour accueillir les visiteurs. Il faut assurer l’entretient des immeubles et les revenus des personnes de service. Et il est d'usage de rapporter aux proches un "souvenir", un "lod ar pardon" comme on dit en breton, témoin de ce voyage exceptionnel ! Alors, pourquoi Jésus, tel un intégriste exalté, emporté par la colère, vient-il renverser les tables des marchands et des changeurs de monnaie ?

En cela il s’inscrit dans la tradition des prophètes, tels Jérémie ou Amos. Ce n’est pas le bruit de l’argent auprès de l’autel qui est objet de scandale, mais l’hypocrisie des mafieux qui font preuve de générosité au Temple pour couvrir l'origine de cet argent, le crime. Dieu ne peut être corrompu, on n’achète pas sa miséricorde ! 
« Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu » nous redit la première lecture de ce dimanche. « Si tu te souviens que ton frère à quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère…» enseigne encore Jésus (Mt 5, 23-24)

 

Dans ce récit de l’évangile de Jean, la prise de position de Jésus va bien au-delà de cette exigence. La médiation entre les hommes et Dieu n’est plus manifestée, réalisée par le Temple, mais par la personne même du Christ, par lui, avec lui et en lui. "Détruisez ce Temple, et moi, en trois jours, je le relèverai" Quand l’évangéliste rédige ce récit, le Temple a été détruit par les armées de César, lassées des rébellions juives. Pour le peuple juif, le traumatisme sera immense, pensons à l’émotion suscitée par l’incendie de Notre Dame de Paris ! La communauté chrétienne associera cet événement à la mort et à la résurrection du Christ. Comme le développera la Lettre aux Hébreux, le Christ est à la fois le Temple, le Prêtre et la victime offerte en sacrifice. (Hébreux 10)

19 Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus :

20 nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire ; or, ce rideau est sa chair.

21 Et nous avons le prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu.

22 Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère et dans la plénitude de la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure.

23 Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis.

24 Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à vivre dans l’amour et à bien agir.

25 Ne délaissons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons-nous, d’autant plus que vous voyez s’approcher le Jour du Seigneur.

N’est-ce pas ce que le Christ annonce à la Samaritaine ? (Jn 4)
23 l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.
24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »

 

« Tu n’auras pas d’autres dieux que moi, souviens toi du jour du sabbat, honore ton père et ta mère, tu ne commettras pas de meurtre,… ». La charte d’Alliance reçue par le peuple libéré de l’esclavage, est pour nous chemin pour accueillir l’Alliance nouvelle en Jésus Christ. C’est lui qui nous libère de tout esclavage, c’est lui qui nous établit dans l’adoration en esprit et vérité.

 

Christian le Borgne, curé