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Mémorial du sacrifice de Jésus ?

 

chapelle St Maudez Lennon - Nicolas Fedorenko ; ateliers Le Bihan (1998)

 

Vous avez peut-être trouvé, dans votre boite aux lettres, en début de cette semaine, un dépliant en provenance des Témoins de Jéhovah, (JW.ORG). "Mémorial du sacrifice de Jésus - Qu'est-ce que la mort de Jésus peut vous apporter ?"

Il faut reconnaître leur "zèle", que nous pourrions leur envier. Ce n'est pas là l'objet de mon propos. Ce qui a retenu mon attention, c'est le langage utilisé pour dire leurs convictions, et d'une certaine manière, cela peut nous interroger sur notre propre langage, ce qu'il révèle  de notre foi.

 

D'une part, dans leur présentation, leur invitation à commémorer le sacrifice de Jésus repose sur une traduction erronée d'un verset de Luc "Continuez à faire cela en souvenir de moi" (Luc 22:19).
D'autre part, une invitation est donnée à un discours biblique, au cours du week end précédent le mémorial : "Vous pouvez regarder l'avenir avec optimisme !" 

 

"Continuez à faire cela en souvenir de moi" (Luc 22:19). (Traduction des Témoins de Jéhovah -
"Faites ceci en mémoire de moi", Traduction Œcuménique de la Bible)

 Les célébrations de la Semaine Sainte se réduisent elles à un "souvenir" des dernières heures de Jésus ? Le calendrier liturgique, tout au long de l'année, ne serait-il qu'un "rappel" de la naissance, de la vie et de la mort de Jésus ? C'est pourtant trop souvent ainsi que l'on présente les diverses fêtes chrétiennes, qu'il s'agisse de Noël ou de Pâques ! C'est oublier le sens de ce terme précieux, peut-être compliqué, hérité de la Bible, le mot "mémorial". Confronté en permanence à l'épreuve, le peuple juif se souvient des œuvres réalisées par Dieu, mais c'est dans les temps à venir que s'accompliront les promesses déjà partiellement réalisées.

Faire mémoire, c'est bien sur, bien évidemment, se souvenir, comme le monument aux morts rappelle le sacrifice de ceux qui sont morts "pour la patrie". Mais le monument est signature commune d'un engagement citoyen, pour un avenir plus radieux ; "plus jamais ça !".
Faire mémoire, pour les chrétiens, c'est recevoir et transmettre la tradition reçue des témoins du Christ, qui ont cru en lui et qui ont su éveiller en nous cette foi. 
Le mémorial, c'est aussi l'accueil dans l'aujourd'hui des hommes, de  l'œuvre de Dieu, réalisée par son Fils. Il est important de souligner combien de fois est mentionné dans l'Evangile, le terme "Aujourd'hui" ! Aujourd'hui, vous est né un Sauveur - aujourd'hui se réalise pour vous cette Parole - aujourd'hui je vais manger chez toi - aujourd'hui le salut est entré dans cette maison... L'évangile de Matthieu, particulièrement dans le récit de la Passion que nous entendons ce dimanche, insiste sur la volonté du Christ de répondre au projet du Père, "afin que s'accomplisse les Ecritures". Ce qui était attendu, espéré, se réalise !
Et ce n'est pas fini !!! 

 

Au cours du dernier repas, Jésus fait bien plus que de se souvenir avec les apôtres de la sortie d'Egypte. Avec le peuple juif, il célèbre avec ses disciples l'aujourd'hui de Dieu qui libère. Et cependant, il donne une signification nouvelle à ce mémorial, il s'agira désormais pour ses disciples d'inscrire dans leurs "aujourd'hui" à venir, le don de sa vie, l'œuvre de salut, le sacrifice de louange. Il ne s'agit pas seulement de se souvenir d'un dernier repas et des dernières heures qui l'ont suivi ; il s'agit, en célébrant les rites qui rappellent les faits, les paroles, d'accueillir aujourd'hui, tout ce que le Christ a réalisé, depuis son incarnation jusqu'à son retour auprès du Père, et qu'il continue à réaliser en nous, par le don de l'Esprit Saint". "Allez, je vous envoie, et moi je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin des temps..." (Mt 28,20).
Si le mémorial se limite au souvenir, il n'y a ni aujourd'hui, ni demain qui tienne. "C'est du passé, n'en parlons plus..."

Invitation à un discours biblique, au cours du week end précédent le mémorial : 
"Vous pouvez regarder l'avenir avec optimisme !"... Ouaip ! Comme on le fredonne dans une autre chanson : "ça ira mieux demain" ! Mais nous ne sommes pas dans la chansonnette, et l'actualité nationale ou internationale, guerres, conflits et violences, crise climatique et j'en passe, ne me pousse pas à l'optimisme. Comment être optimiste quand on est témoin de tant de lâchetés et d'égoïsme, de mensonges, de veuleries, de haine et de volonté de nuire, de dominer ? 

La foi chrétienne n'est pas invitation à l'optimisme, mais à l'espérance. L'optimisme, c'est l'espoir des petits bonheurs au jour le jour. L'espérance, c'est l'attente de la réalisation finale, victorieuse, du projet de Dieu, sur toutes les forces de mal et de mort. L'espérance, c'est l'attente d'une création pleinement achevée, accomplie, dans la résurrection du Fils.

Si nous suivons la croix du Christ, si nous la vénérons, ce n'est pas en raison d'un sentiment d'optimisme, mais parce que nous croyons que par elle, le Christ a déjà définitivement vaincu toutes les forces de mal et de mort. Et cette espérance, qui trouve sa source dans la foi au Christ mort et ressuscité, nous pousse à l'amour véritable, celui qui nous vient de Dieu le Père et de Jésus son Fils 
"Heureux les pauvres de coeur, le Royaume des cieux est à eux...
Heureux êtes vous lorsque l'on vous persécute et que l'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux"...
"Comme le Père m'a aimé, je vous aimé, demeurez dans mon amour. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime"...

En fait, c'est cela le vrai "mémorial" !

 

Le Christ Jésus,
    ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.

    Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.

Reconnu homme à son aspect,
    il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort,
et la mort de la croix.

    C’est pourquoi Dieu l’a exalté :
il l’a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,

    afin qu’au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,

 

    et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

 

Christian Le Borgne, curé