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nous les établirons dans cette charge

Martyre d'Etienne, Trégarvan

 

 

S'il est une expression que vous ne trouverez pas dans le Livre des Actes des Apôtres, c'est bien celle-ci : "On a toujours fait comme ça !"

 

 

Le récit de la première communauté chrétienne nous fait écho de toutes les situations nouvelles auxquelles les disciples ont du trouver des solutions, avec l'aide de l'Esprit Saint, en accord avec le collège des Apôtres.

 

Nous en avons une illustration dans le passage des Actes de ce dimanche : de quoi s'agit-il ? Afin de régler un différent dans la communauté de Jérusalem, en raison de disparité conflictuelle dans le service entre veuves de langue hébraïque et celles de langue grecque, est institué un groupe particulier chargé du service des tables. Ainsi est institué ce que la Tradition appellera communément le "diaconat".

 

Il est intéressant de relever le processus établi dans la circonstance :

- tout d'abord, il y a le constat d'une situation particulière, source de désordre, qui demande qu'on l'on y prête attention.
- ensuite, loin d'en rester aux "récriminations", les Douze convoquent l'ensemble des disciples. On appellera cela aujourd'hui un "synode", un Concile ou une Assemblée Pastorale, mais en soulignant bien que d'une part, l'initiative émane du groupe qui fait autorité, ici les Douze, (pas seulement Pierre), et d'autre part, que sont rassemblés "l'ensemble des disciples", c'est à dire tous ceux qui sont concernés par la question.
- Ce ne sont pas les Apôtres, les Douze, qui choisissent ;  s'adressant à l'assemblée ils lui confient de "chercher sept d'entre vous", selon des critères définis "estimés de tous, remplis d'Esprit Saint et de sagesse"; mais se sont les Apôtres qui "établissent dans cette charge" ceux qui sont présentés.
- un rite liturgique vient confirmer le choix effectué : "on les présenta aux Apôtres, et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains".

 

Dimanche dernier nous avons prié pour les "vocations", mais rien n'est clairement dit des processus à mettre en œuvre pour que nos communautés chrétiennes disposent des ministres nécessaires, afin que l'Evangile soit annoncé, le salut célébré, la charité vécue...

Comme si il suffisait de se décharger sur le Maître de la moisson... "Si le Père, si l'Eglise, si le monde vous appelle", mais nul ne se sent vraiment concerné pour transmettre cet appel ! Il y a tant de réticences et de freins, chacun déchargeant sur d'autres l'initiative de la proposition, de l'appel... "On n'a jamais fait ça !".

Parfois l'on voit surgir des prises de responsabilité, sans concertation établie, où dépassant les prérogatives accordées, au nom d'un adage supposé, "puisqu'il n'y a plus personne, c'est à moi qu'il revient de..." 

 

Le livre des Actes doit nous servir de repère. Quelques "bons chrétiens" s'offusquent aujourd'hui des processus synodaux mis en place par le Pape François, par le fait non seulement que des femmes puissent être membres, mais aussi, ayant droit de vote dans cette noble assemblée. S'il est précisé que les Sept seront nécessairement hommes (masculins), le mot grec est sans ambiguïté, il n'est pas précisé que la convocation adressée à "l'ensemble des disciples" est réservée à la gente masculine. Au contraire, "disciple" est l'un des noms par lesquels les chrétiens se désignent entre eux. Comme le dit St Paul, il n'y a plus l'homme et la femme, le juif et le païen, l'esclave et l'homme libre, vous êtes tous membres d'un même corps, le Christ.

 

Sept hommes sont donc légitimement institués par les Douze, pour une mission précise, assurer le service des tables des veuves, afin que les Apôtres puissent être totalement disponibles pour le service de la prière et l'annonce de l’Évangile.

Or, que pouvons nous constater ? A peine les Sept sont ils institués que l'un d'eux, Etienne, plein de grâce et de puissance, opère des prodiges et des signes remarquables parmi le peuple, assure avec sagesse et force de l'Esprit la controverse avec des gens de la synagogue, et assure un discours théologique des plus construit devant le Sanhédrin. (Chapitres 6 et 7). Quand à un autre, Philippe, il évangélise en Samarie et baptise un eunuque éthiopien sur la route de Jérusalem à Gaza. (Chapitre 8); en tout cela, il ne s'agit pas vraiment du service des tables de veuves !

Les institutions sont au service des hommes et de l'évangile, et non l'inverse !

 

Je trouve en tout cela une illustration des propos du Christ proclamés ce dimanche : "Je suis le chemin, la vérité, la vie". L'enjeu n'est pas de définir ce qu'est la vérité, où de savoir si les chrétiens sont plus habilités que d'autres à revendiquer la légitimité de leurs propos ou posture au nom de la Vérité.

Être disciple du Christ, et donc cheminer en Église à la suite du Christ, c'est accepter d'explorer des chemins nouveaux, des chemins de vie, et de vivre ce cheminement en Christ, vraiment, comme Lui a été, et demeure en vérité dans sa relation avec le Père.

Alors l'Esprit de Vérité nous conduit, nous éclaire et nous inspire les réponses adaptées aux situations sans cesse nouvelles. "Vérité" en hébreu ou en araméen, faut-il le rappeler, se dit "Amen" ; non pas "qu'il en soit ainsi", démission de la volonté et de l'initiative, mais réponse sincère et engagée dans la grâce de l'Esprit Saint.

En fait, c'est comme cela que l'on a toujours fait, ou que l'on devrait toujours faire !

 

Christian Le Borgne, curé